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Rencontre avec des « Rosies the Riveter ». Beaucoup d'émotion !

 June 14, 2017, 8:48 a.m. par ahdf
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National Park, aux Etats-Unis. Grâce à Tammy, leur coordinatrice, j'ai enfin pu réaliser un rêve qui me tenaillait depuis des années : rencontrer une vraie « Rosie the Riveter » de la 2ème Guerre mondiale.

Pour cette occasion, j'avais demandé aux demoiselles passionnées comme moi par ce sujet de participer à un petit cadeau, en l’occurrence un album photo accompagné de mots de remerciement de notre part afin de les honorer et leur montrer qu'en Europe nous ne les oublions pas ; nous faisons en sorte qu’elles soient connues et reconnues pour leur large participation à l'effort de guerre et, de ce fait, à notre libération de juin 1944 à mai 1945 sur le front européen, puis jusqu’en août 1945 sur le front asiatique.

Malgré le peu de réponses et de lettres que j'ai obtenues – ce qui m'a fortement déçue de la part de certaines qui, pourtant, paradent régulièrement en tenue de Rosie –, j'ai tenu parole pour celles qui s'étaient investies, surtout pour Wallis qui m'accompagnait en pensée car tout le monde connait son implication à raviver le souvenir de ces femmes courageuses depuis de longues années ; j'ai monté ce fameux album agrémenté de leurs gentilles et très émouvantes lettres.

En ce 14 juin 2017, j'ai rendez-vous au Mémorial des Rosies qui se dresse à l'endroit même où les usines se trouvaient, usines aujourd’hui désaffectées mais les hangars sont toujours là, portant les marques du passé (réservoirs, emplacements des machines, etc.) ; on continue à y travailler ; il y a même une usine qui fabrique des caisses de jeep !

Avec mes gâteaux français et mon album sous le bras, je suis un peu fébrile devant la porte du Mémorial... Vont-elles être là ? Combien seront-elles ? Une seule ferait déjà mon bonheur. Allons-nous nous comprendre ? Je connais bien l’anglais mais mon accent est très mauvais et elles parlent vite. Bref, c'est avec une petite boule au ventre que je pénètre dans le Mémorial. Je m'adresse à l'accueil et demande Tammy. On me répond qu'elle est dans la salle de classe, au sous-sol. Je descends, accompagnée de Willy, bien sûr, et là, à travers les carreaux, j'aperçois deux petites mammies et une autre femme plus jeune arborant des badges. Elles m'attendaient.

Les premiers mots échangés, je ne m'en rappelle plus ; ce dont je me rappelle, c'est les larmes qui me sont immédiatement montées aux yeux, comme chez Tammy.

Nous nous sommes toutes serrées dans les bras : le fameux hug américain mais avec une intensité bien plus forte.

Ensuite, nous nous sommes présentées et je leur ai offert les fameux gâteaux normands de la mère Poulard (plus français que ça, je ne vois pas) ; elles étaient enchantées !

Nous avons parlé des différents shows qui ont lieu en France, en Belgique, en Angleterre et ailleurs. Elles ignoraient que, en Europe, nous continuons à commémorer la libération, que le « devoir de mémoire » est toujours perpétué chez nous, et surtout, elles étaient à cent lieues de penser que nous connaissons leur existence ; elles ont vraiment été très surprises !

Enfin, je leur ai offert l'album réalisé avec tant d’affection... Au début, elles ont cru que je leur montrais seulement des photos mais quand je leur ai expliqué que cet album était un cadeau pour elles, qu'il resterait avec elles, elles ont été très émues (je ne vous décris pas l’intensité de ma propre émotion). Il devenait temps qu'elles me racontent leur propre histoire (que je vais résumer au mieux).

Marian Sousa, toute petite blonde avec de jolies boucles sagement peignées, est née le 6 janvier 1926 en Oregon (elle a donc 91 ans et, croyez-moi, elle a encore une pêche d'enfer !). Fille d'un militaire vétéran de la 1ère guerre mondiale, elle avait 15 ans lors de l'attaque de Pearl Harbor et se trouvait à l'école quand elle a entendu le fameux discours du Président Roosevelt annonçant l'entrée en guerre des USA.
A l'été 1942, elle a pris un bus pour Richmond, près de Washington, là où se trouve aujourd’hui le mémorial, afin de venir garder les enfants de sa sœur qui rejoignait les Rosies pour travailler en tant que soudeuse sur les bateaux de guerre (Liberty ships, entre autres). Âgée de 16 ans, elle y rencontra son futur mari avant d’achever ses études de dessinatrice industrielle à Richmond.
A 17 ans, elle commença à travailler en tant que dessinatrice et architecte pour les bateaux de guerre et ne quitta plus jamais la région. Sa mère, sa sœur et elle-même ont été des Rosies jusqu’à la fin de la guerre : sa mère en tant que peintre et sa sœur en tant que soudeuse ; le mari et père étant sur le front, toute la famille a donc participé à l'effort de guerre.

La semaine avant notre rencontre, Marian avait volé à bord de l’un des deux seuls Boeing B-29 Superfortress encore en état de vol ; ce qu'elle en a retenu, c'est que c'était vachement bruyant ! Elle est trop mignonne... Elle m'a beaucoup, beaucoup touchée : elle était très affectueuse ; on s'est fait beaucoup de câlins. Je peux vous dire que j'ai profité au maximum de sa tendresse, pour mon plus grand bonheur.

La seconde Rosie est une brune avec de jolis cheveux bouclés ; elle s’appelle Marian Wynn ; âgée de 91 ans, elle est tout aussi dynamique que sa complice.

Le père de Marian s'est engagé en 1942 dans l'usine de Richmond pour participer à l'effort de guerre mais Marian, elle, benjamine d'une fratrie de onze enfants (!), avait promis de finir ses études avant de le rejoindre. Elle a alors pris un bus pour un long trajet de trois jours après la fin de l'année scolaire pour rejoindre son papa. C'était une famille très pauvre où l’on vivait les uns sur les autres ; ce travail a été une aubaine pour la famille afin de mettre du beurre dans les épinards. Elle a appris sur place à souder et a été engagée pour travailler sur les tuyauteries des Liberty Ships à Richmond, là où nous nous trouvions pour notre rencontre. Elle travaillait pour 1$ de l'heure et vivait dans une caravane avec son père.

Elle nous explique qu'elle portait un foulard sur la tête et sur le cou, de grands gants en cuir ainsi qu'une épaisse et très lourde veste en cuir pour éviter les brûlures causées par les éclats de métal en fusion. Il y a eu beaucoup d'accidents, des morts aussi : le métier de soudeur n'était pas une partie de plaisir ; elle-même a été blessée par un éclat dans l'œil, heureusement bien soigné.

Elle a rencontré son mari qui était le fils du propriétaire du camping où la remorque qui leur servait de caravane était stationnée. Ils sont restés mariés 60 ans, jusqu’au décès de son mari survenu en 2005.

Un épisode qui l'a fortement marquée était un exercice de procédure à suivre en cas de bombardement : l’atelier avait été plongé dans le noir total, sans aucune communication ; elle avait eu très peur et avait alors imaginé ce que l'Europe endurait, ce qui l'avait motivée encore davantage à travailler pour la victoire.

Son frère Don, qui servait dans le Signal Corps (transmissions), a été tué en Normandie où il repose ; Marian rêve d'aller se recueillir sur sa tombe (peut-être pourrait-on l'aider, non ?). C'est une femme marquée, courageuse, qui m'a beaucoup impressionnée, moins délicate que la première mais tout aussi attachante.

Evidemment, j'ai bu leurs paroles, vous l'imaginez, très impressionnée ; mais pour elles, comme elles me l'ont plusieurs fois répété, c'était juste un travail. Enfin j'ai pu visionner leur fabuleuse rencontre à Washington avec le président Obama, un moment très fort pour elles car c’était la reconnaissance – enfin ! – de tout ce qu'elles avaient fait. Et nous avons encore versé quelques larmes... Lol !

Elles m'ont remerciée au moins cent fois pour l'album, super heureuses et surprises d’être aussi connues et reconnues en Europe, et très reconnaissantes du fait que nous perpétuons leur mémoire à travers les parades et en portant leur "uniforme".

Enfin, elles m'ont couverte de cadeaux : des livres, des chaussettes (vous ne saviez pas qu'elles portaient des chaussettes rouges ? Eh bien si !), l'écusson des Rosies, une boîte et un sac dédicacé par TOUTES les Rosies de Richmond qui n'avaient pas pu venir. Là, j'étais en larmes : me faire des cadeaux alors qu'elles m'en faisaient déjà un énorme en m’accordant le privilège de les rencontrer, c'était trop.

Cette entrevue de 2h30 s'est terminée par une séance photo. Elles étaient tellement heureuses, j’étais stupéfaite par l'impact de notre visite. J'en suis sortie complètement secouée, sur un nuage ; j'ai été très, très, très touchée et j'avais du mal à réaliser ce qui venait de se passer. J'ai encore du mal aujourd'hui à vous en parler sans que l'émotion me gagne.

Je leur ai promis une chose : faire tout mon possible pour que Marian puisse venir se recueillir en Normandie sur la tombe de son frère, accompagnée de l'autre Marian et de Tammy. J’ignore encore comment je vais m'y prendre mais c'est très important pour moi et je vais m'y atteler très vite. Si vous voulez vous impliquer, toutes les bonnes volontés sont évidemment les bienvenues !

Voilà, j’achève ici le modeste récit d'un rêve réalisé. Merci à toutes celles qui se sont impliquées dans l’aventure !

Céline ROUHALDE

Photos de l’auteur, de Willy et des Rosies.

Note : il y a quelques mois Céline Rouhalde se rendait à San Francisco, puis au Mémorial et au Visitor Center dédié aux Rosies de Richmond : le « Rosie the Riveter WW2 Home Front ».