Sur les traces de la Brigade Piron en Normandie (18-24 août 2024)
Aug. 29, 2024, 6:48 p.m. par ahdf
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Du 17 au 24 août, le War Heritage Institute (WHI) – dont le site le plus connu est le Musée Royal de l’Armée à Bruxelles – a déployé quatre véhicules issus des splendides collections exposées à Bastogne Barracks pour participer aux commémorations organisées par des mairies de la Côte Fleurie (Normandie) en hommage à la Brigade Piron qui a libéré cette portion de la France en août 1944.
Un peu d’histoire…
Le 10 mai 1940, la Belgique est envahie. Le 16 mai, un camp de regroupement militaire belge est officiellement créé à Tenby, sur la côte sud du Pays de Galles. Sous le commandement du Lieutenant-Général Victor Van Strydonck de Burkel, le camp accueille les officiers et soldats belges désirant poursuivre la lutte contre l’envahisseur. Alors qu’aviateurs et marins se battent déjà, les hommes de Tenby doivent s’organiser et tout mettre en place : l’équipement, la logistique, le logement, l’accueil des nouveaux venus, la formation des soldats, etc. L’unité combattante belge et l’état-major des Forces belges en Grande-Bretagne sont officiellement constitués le 12 août 1940.
En février 1941, les forces belges sont organisées sous la forme d’un bataillon de fusiliers à trois compagnies, une batterie d’artillerie, une compagnie de renfort et d’instruction, un dépôt, une infirmerie, un conseil de guerre et une aumônerie. Le tout coiffé d’un état-major attaché tactiquement à une brigade anglaise. Cette nouvelle armée belge deviendra plus tard la « Brigade Piron » et s’illustrera sur les champs de bataille en France, en Belgique, aux Pays-Bas ainsi qu’en Allemagne.
Formation de la Brigade Piron
En décembre 1942, le commandement et l’organisation des Forces terrestres belges en Grande-Bretagne sont bouleversés et passent sous le commandement du Major Jean-Baptiste Piron. En janvier 1943, Piron crée le First Belgian Independant Group. Le 1er Bataillon de Fusiliers est dissous et réorganisé en un groupement composé de trois unités motorisées indépendantes.
À côté de ces trois unités, la Brigade Piron se dote d’un état-major, d’un escadron d’autos blindées, d’une batterie d’artillerie, d’une compagnie du génie, d’une unité médicale et d’une brigade de trains. Un second groupement sert de centre d’instruction. Par la suite, un troisième groupement est créé pour les officiers de liaison auprès des armées alliées.
L’année 1943 et le début de l’année 1944 sont mis à profit pour faire du groupement belge une formidable unité de combat cohérente et souple qui opère d’une manière indépendante avec ses propres unités de service, du génie, d’artillerie et de reconnaissance. À la fin juillet 1944, l’unité de Piron, composée de 2.200 hommes, atteint un niveau de préparation absolu et est prête à passer à l’action.
Combats de la Brigade Piron en Normandie
L’ordre de mobilisation de la Brigade Piron arrive à la mi-mai 1944. Cependant, la Brigade ne participe pas à la phase initiale du débarquement. Au début du mois d’août, les 2.200 hommes et près de 500 véhicules débarquent au port artificiel d’Arromanches (Mulberry B) et sur la plage de Courseulles. La Brigade passe sous le commandement de la 6th Airborne Division britannique.
Le 17 août, l’opération « Paddle » – qui a pour but de libérer la Normandie – commence. Les hommes du lieutenant-colonel Piron (il a été promu au grade supérieur) attaquent Franceville. Quatre jours plus tard, ils pénètrent à Cabourg. Pendant que les hommes du génie remettent les ponts en état, les unités motorisées foncent sur Houlgate et Auberville. Le 22 août, la Brigade Piron libère Villers-sur-Mer et Deauville, Le Touquet le lendemain puis Honfleur le 25 août. Lorsque la 6th Airborne Division est renvoyée en Angleterre, la brigade est rattachée à la 49e division britannique. Elle effectue dès lors des missions de nettoyage le long de la Seine. Le 1er septembre, les Belges arrivent devant le Havre pour y être incorporés à la 2e armée britannique dans le but de libérer Arras. Deux jours plus tard, la Brigade Piron quitte la Normandie pour accompagner la Guards Armoured Division et libérer Bruxelles.
Combats de la Brigade Piron en Belgique
Le 3 septembre 1944, la Brigade Piron accompagne la Guards Armoured Division pour aller délivrer Bruxelles. Celle-ci se met en marche mais progresse lentement. Dans l’après-midi, l’objectif est en vue. À 16h36, la Brigade franchit la frontière belge à Rongy. Elle continue ensuite vers Ath et Enghien où elle doit affronter une arrière-garde allemande. Ce n’est que le lendemain, 4 septembre, vers 15 heures, que les Belges entrent Bruxelles (mais le Lt.Gén. Roger Dewandre, à l’époque lieutenant, décrit qu’à la tête d’une petite avant-garde du 1st Belgian Squadron, il est entré une première fois à Bruxelles le 3 septembre soir, à bord de son auto blindée Daimler Mk.II). Les Belges trouvent une ville en liesse et profitent de quelques jours de repos bien mérités.
Le 11 septembre 1944, la Brigade appuie l’attaque de la 8th Armoured Brigade sur le canal Albert. L’unité se distingue par la prise de Leopoldsburg et libère une centaine de prisonniers politiques.
Plus tard, alors que se déroule l’opération aéroportée Market Garden qui échouera à Arnhem, les Belges marchent sur Bree. Ils s’emparent de la région située entre le canal Meuse-Escaut et la Meuse et s’installent le long du canal de Wessem. Durant 46 jours, ils tiennent un front de 20 km, sans cesse menacé d’infiltrations par des patrouilles allemandes. Le 17 novembre, l’unité quitte le front pour se réorganiser et reformer une brigade complète.
Les successeurs
Le 16 novembre 1944, la Brigade Piron est relevée et, le lendemain, elle part pour une période de repos et de réorganisation. Dorénavant, la Brigade Piron est renommée « Brigade Libération ». 2.400 jeunes volontaires s’engagent pour renforcer les rangs de l’unité. Le 3 avril 1945, la Brigade part au front aux Pays-Bas et du 15 mai au 17 décembre, elle participe à l’occupation de l’Allemagne.
À la fin novembre 1944, la Brigade Piron est réorganisée. Elle participe à la libération des Pays-Bas et à l’occupation de l’Allemagne à la fin de la guerre.
Le 1er août 1946, le second bataillon de l’unité, qui est le bataillon d’origine, se voit attribuer le nom de « Bataillon Libération ». Ce bataillon honore le passé et les traditions de la Brigade Piron.
80 ans plus tard…
Les mairies françaises des communes libérées par la Brigade Piron en août 1944 ont magnifiquement organisé une succession de commémorations impliquant trois vétérans, dont André Liégeois, qui aura 100 ans en mars 2025 et fait partie du monde des collectionneurs de véhicules militaires depuis près de 50 ans, Xavier Vierzin et Henri d’Oultremont. Escortés par des jeep des Amis du Mont Canisy (surtout celles de Xavier Blanchet et Jean-Claude Mollet), quatre anciens véhicules de la Brigade issus des splendides collections exposées à Bastogne Barracks ont rehaussé les commémorations de leur présence : il s’agissait d’un scout car Daimler Mk.II ‘Dingo’, un scout car White M3A1, une auto blindée Daimler Mk.II et une dépanneuse Scammell SV Breakdown.
Le programme des commémorations échelonnées sur sept jours était chargé, mettant les mécaniques… et la résistance physique des trois vétérans de la Brigade à rude épreuve. Celui qui justifie la présence de ce reportage sur le site Internet du BMVT est André Liégeois, qui aura 100 ans en mars 2025. Les anciens du BMVT (et du club Indian Head) le connaissent bien depuis plus d’un demi-siècle car il participait aux rallies de véhicules WW2 depuis 1980, si ce n’est avant. Son humour et son perpétuel sourire n’ont pas faibli ! Il s’est même pris à danser au couirs de la fête irganisée une fin d’après-midi à Dozulé, commune où étaient basés l’équipe de Bastogne Barracks et les pelotons du Bataillon Bevrijding/5e de Ligne.
Nous publions ci-après « en vrac » une sélection de photos qui donnent un aperçu des commémorations échelonnées au fil de la semaine du 18 au 24 août. La sélection privilégie les quatre véhicules de Bastogne Barracks… et André Liégeois, ceci dit sans nullement vouloir minimiser la présence des deux autres vétérans, à savoir Xavier Verzin et le Comte Henri d’Oultremont qui faisait poartie de la batterie d’artillerie de la Brigade. Les chauffeurs-mécanos de Bastogne Barracks ont démontré leurs rfemarquables compétences en résolvant des soucis techniques inhérents à nos vieilles machines qui ont parcouru près de 400 km sur la semaine. Le 20 août à Sallenelles, nous avons un peu galéré pour reproduire la scène d'une photo prise exactement 80 ans plus tôt avec une auto blindée Daimler Mk.II. Le "then and now" est un défi qui remporte toujurs beaucoup de succès !
Alain HENRY de FRAHAN (avec Pierre Muller, gestionnaire des collections au WHI)
Photos © de l’auteur et d'Isabelle Laurent pour l'introduction,prise à la batterie de Merville + 1 photo de Raymond Pillet (Bastogne Barracks) à Cabourg.
Fumé comme un jambon au démarrage du Scammell à Dozulé...
A la batterie de Merville, l'équipe de Bastogne Barracks accomplit le rêve d'André Liégeois : rouler en Dingo. Exultnant de joie, il s'écrie : "Comme à Bruxelles le 3 septembre 1944 !"
Un petit-fils du Lt.Gén. Roger Dewandre qui, alors lieutenant, commandait une unité du 1st Belgian Squadron et roulait dans ce véhicule.
Le Comte Henri d'Oultremont, vétéran de la batterie de la Brigade Piron est véhiculé dans une Jeep des Amis du Mont Canisy.