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Camp Nijverdal 2025 (3-4 mai)

 May 15, 2025, 4:20 p.m. par ahdf
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Départ matinal depuis la Belgique, check technique rapide, sanglage des remorques, carte routière coincée sur le tableau de bord… Cinq membres du BMVT ont pris la route, direction les Pays-Bas, avec dans le viseur : Nijverdal, ses chars, ses bivouacs… et une belle tranche de mémoire à partager.

Le 1er mai, nous passons sous un portique décoré aux couleurs locales et alliées pour rejoindre le camp de Nijverdal. Dès l’arrivée, c’est une plongée dans un univers britannique et canadien encore méconnu pour beaucoup : douze chars alignés, des bivouacs soigneusement installés, une field kitchen (cuisine de campagne) en activité, ainsi qu’une forge d’époque et de nombreux véhicules alliés rarement vus dans nos rassemblements, plus habitués aux matériels américains. Notre Jeep canadienne, spécialement préparée pour l’occasion aux couleurs des Argyll and Sutherland Highlanders, libérateurs de Nijverdal, trouve naturellement sa place dans ce décor rempli uniquement de véhicules alliés britanniques et canadiens. L’ambiance est simple et conviviale, les échanges se font facilement entre passionnés, curieux d’en apprendre davantage sur cet héritage historique venu du Commonwealth.

On reste ébahis par la présence simultanée, dans un même camp, de trois Sherman Firefly, quatre obusiers automoteurs Sexton (version britannique du M7 Priest) et un Churchill opérationnel — une concentration rare de blindés alliés qui a marqué les visiteurs et les connaisseurs. Une première pour beaucoup, et un moment fort du rassemblement, rythmé par les coups de canon.

Le 2 mai, nous nous arrêtons au cimetière canadien de Holten, malheureusement fermé en raison des préparatifs pour la commémoration. L’après-midi est consacrée au musée local, qui abrite une collection permanente rare et de grande qualité sur l’histoire de la région, marquée par cinq années d’occupation allemande. On y trouve notamment un aperçu des camps de travail mis en place dans la région où de nombreux habitants et prisonniers furent contraints de travailler pour l’effort de guerre allemand, souvent dans des conditions très dures. On y découvre notamment les conditions de vie de la population civile, les actes de résistance locale, ainsi qu'une exposition temporaire consacrée aux Vergettungswaffen, les armes de représailles allemandes lancées en fin de guerre.

Le 3 mai, nous participons à un convoi de soixante véhicules, dont cinq cars, à travers la réserve naturelle de Sallandse Heuvelrug. Le trajet alterne entre champs ouverts, chemins forestiers et petits villages, offrant un cadre aussi varié que symbolique. Le rythme du convoi est bien maintenu grâce à l’encadrement rigoureux des motards. À l’approche de Nijverdal, la densité du public augmente nettement : des familles, des enfants, des anciens, tous rassemblés le long du parcours pour saluer les véhicules. La parade en ville se déroule dans une ambiance animée et bienveillante. La reine des Pays-Bas avait fait le déplacement pour l’occasion, et nous avons pu la saluer à notre arrivée dans le centre-ville, un moment simple mais fort pour tous les participants.

Ce soir-là encore, le projecteur antiaérien General Electric reprend du service. C’est déjà la troisième soirée, mais on ne se lasse pas de voir son faisceau blanc fendre le ciel nocturne. Entre crépitements d’arc électrique et lumière fixe à haute intensité, l’effet reste saisissant.

Le 4 mai, jour des défunts, commence avec un lâcher de fleurs au-dessus du camp par des avions de reconnaissance US. Près de cinq passages à basse altitude nous ont permis de contempler ces deux avions. La journée, plus calme, est aussi l’occasion d’observer les véhicules exposés avec davantage d’attention. Parmi les modèles remarqués : Chevrolet Canada, Bedford QL, Bedford OYD, Morris Commercial, Scammel tracteur, Scammel dépanneuse, sans oublier une Jeep SAS. La rangée complète d’une dizaine de Ford Canada parfaitement alignés impressionne, un spectacle rare, surtout pour les habitués des rassemblements orientés US.

Le soir à 20h, nous avons observé la minute de silence nationale. L’atmosphère était sobre et respectueuse. Comme chaque soir, les démonstrations de tir à blanc résonnent sur le camp : les premiers coups partent d’un obusier aérotransportable américain de 75 mm, tandis que les derniers tirs sont effectués par les Sherman Firefly et les M10 Achilles du groupe The Black Bull, impressionnants par la puissance de leurs canons QF de 17 livres (17 pdr). Une séquence qui conclut une nouvelle journée dans un bel équilibre entre mémoire et intensité historique.

Le 5 mai, jour de la libération, voit se réunir 264 véhicules pour un convoi organisé dans le cadre du Liberty Tour Twente qui va traverser Hengelo, Borne, Almelo, Wierden, Enter et Rijssen. Le public est au rendez-vous tout au long du parcours. Le convoi est survolé par des avions d’époque (warbirds), ajoutant une note historique discrète mais appréciée. À noter également, l'appui logistique de l'armée néerlandaise qui a mis à disposition une dépanneuse pour l'assistance des véhicules historiques, un service heureusement inutilisé mais un geste très apprécié des participants. Le convoi s’est clôturé par une scène aussi inattendue que symbolique : le remorquage, par un Diamond T M20, d’un Sexton tombé en panne en fin de parcours, une opération qui a rassemblé plusieurs volontaires dans un bel élan de solidarité.

Une manière presque improvisée mais fidèle de refermer ce chapitre vivant de mémoire partagée. On termine le week-end en démontant le campement, en chargeant les engins sur les plateaux, et en reprenant la route vers la Belgique, le cœur un peu gros de quitter les Pays-Bas et cet accueil aussi chaleureux qu’enthousiaste.

Fait exceptionnel cette année : la présence simultanée dans un même camp de trois Sherman Firefly, quatre obusiers automoteurs Sexton et un Churchill opérationnel, une concentration rare de blindés alliés qui a marqué le public aussi bien que les connaisseurs.

Un merci tout particulier à la famille Staman pour la qualité de son organisation et son envie de faire vivre intensément cet événement ; un grand merci également aux villageois pour leur participation active, aux équipes organisatrices, aux motards pour la signalisation, à la reine des Pays-Bas pour sa présence, à la field kitchen qui a nourri tout le monde, aux bénévoles, à la dame d’entretien pour des sanitaires toujours impeccables, à DJ Maus qui a mis l’ambiance sur la piste, et bien sûr aux propriétaires de véhicules et d’équipements rares qui ont rendu ce rassemblement exceptionnel.

Nous soulignons le patriotisme des participants hollandais, anglais, français et quelques belges, qui ont tous contribué à la réussite de cet événement.

Nous espérons que vous avez pris autant de plaisir à lire ce récit que nous à le vivre. On vous donne rendez-vous pour de prochaines aventures !

Clémentine, Fred, Francis, Julien, Maureen

Photos des auteurs et autres participants

Un 5 dans un rond jaune sur la grille de calandre d’une Jeep : ça veut dire quoi ?

Major John W. Forth, aumônier (chaplain) des Cameron Highlanders d’Ottawa, France, 15 juillet 1944

Vous avez sans doute déjà vu passer sur les réseaux sociaux des photos de Jeep canadiennes arborant un rond jaune avec le chiffre 5. Pour beaucoup de passionnés habitués aux standards américains, cela peut sembler surprenant car ce marquage n’existe pas sur les Jeep américaines. Alors, pourquoi trouve-t-on parfois un 5 ou un 2 sur les Jeep britanniques ou canadiennes ?

La réponse vient des différences de codification entre les armées alliées. Le 5 dans un rond jaune indique la capacité de charge utile, exprimée en cwt (hundred weight, 1 cwt = environ 50 kg). Ainsi, 5 cwt correspond à 250 kg, soit la charge théorique transportée par une Jeep. Ce marquage était courant dans les armées britannique et canadienne.

Le 2 dans un rond jaune ou noir correspond à la classification pour le franchissement d’un pont (bridge classification), c’est-à-dire le poids total estimé du véhicule en ordre de marche (environ 1,2 tonne pour une Jeep), destiné à informer les sapeurs (engineers) des limites de charge à ne pas dépasser.

Le mélange opérationnel entre les Jeep en service dans l’armée américaine et dans celles du Commonwealth explique pourquoi les Jeep canadiennes arboraient parfois simultanément un numéro 2 et un numéro 5, là où les Jeep américaines affichaient uniquement la bridge classification 2.

Churchill Mk.VII A22F « Crocodile » : un monstre de feu

Le Churchill Mk.VII A22F est une variante du char Churchill, développée par les Britanniques à partir de 1944 pour appuyer l’infanterie, en particulier contre les fortifications et les tranchées ennemies. Son principal atout est le lance-flammes monté à l’avant, alimenté par une remorque blindée de 6,5 tonnes contenant environ 1 800 litres de mélange inflammable, avec une portée effective d’environ 110 mètres.

Le Crocodile conserve le canon de 75 mm et la mitrailleuse Besa de 7,92 mm montés sur la version de base ce qui lui permet d’assurer un appui classique en plus du rôle spécifique de lance-flammes. Il est propulsé par un moteur à essence Bedford 12 cylindres à plat, de 350 chevaux, permettant une vitesse maximale de 24 km/h sur route. L’autonomie est d’environ 140 à 160 km. Son blindage, épais jusqu’à 152 mm, le rend apte à encaisser des tirs de calibre moyen. L’équipage est composé de cinq à six hommes.

Côté utilisation, le Churchill Crocodile était particulièrement efficace en zone urbaine, en environnement bocager ou face à des positions retranchées : bunkers, tranchées, tunnels, bâtiments fortifiés, etc. Il était déployé en appui direct de l’infanterie, souvent en coordination avec des sapeurs. Contrairement à d’autres chars plus rapides comme le Sherman, il était moins à l’aise en terrain découvert ou en combat de mouvement, son rôle étant avant tout d’ouvrir la voie dans les secteurs les plus résistants. Il a été utilisé notamment en Normandie (bataille de Caen), aux Pays-Bas, et lors des combats en Allemagne.

L’exemplaire présent à Nijverdal est remarquable par son excellent état fonctionnel. Il offre aux visiteurs un aperçu rare de cette catégorie de char spécialisé, à la fois impressionnant par son gabarit et emblématique de la stratégie alliée pour réduire les points de résistance allemands.

Le projecteur antiaérien General Electric : éclairer le ciel pour défendre le sol


Au camp de Nijverdal, l’un des équipements les plus remarqués était le projecteur General Electric antiaérien, un élément clé de la défense aérienne alliée pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce projecteur était équipé d’un miroir paraboloïde de 1,50 m de diamètre, capable de concentrer un faisceau lumineux très intense, visible jusqu’à 8 à 10 kilomètres. Il était utilisé pour repérer les avions ennemis de nuit et guider les batteries antiaériennes au sol.

La source lumineuse reposait sur un arc électrique formé entre deux électrodes en carbone, produisant une luminosité de plusieurs centaines de millions de candélas. Ce système exigeait une alimentation puissante, fournie par un générateur à moteur essence, monté sur remorque, conçu pour suivre le projecteur sur le terrain. Le générateur délivrait entre 15 et 30 kW, garantissant une alimentation stable pour maintenir l’intensité lumineuse nécessaire.

Le fonctionnement nécessitait une équipe de trois à cinq hommes : un pour orienter le projecteur, un pour contrôler l’arc électrique et d’autres pour se coordonner avec les unités au sol. Le faisceau balayait le ciel à la recherche de cibles. Une fois un avion repéré, il restait fixé dessus pour permettre aux artilleurs de le suivre plus facilement.

Au camp de Nijverdal, voir ce projecteur en fonctionnement était impressionnant. Le crépitement de l’arc, le faisceau perçant la nuit et la précision du réglage donnaient un aperçu concret des moyens employés à l’époque pour contrer les raids aériens nocturnes.

Si les projecteurs comme le General Electric représentaient à l’époque l’un des outils les plus avancés pour la défense aérienne, les Allemands expérimentaient en parallèle des systèmes infrarouges plus discrets en fin de guerre. Ces dispositifs combinaient des projecteurs infrarouges invisibles à l’œil nu et des viseurs spéciaux montés sur les canons antiaériens et les véhicules. Leur objectif était de suivre et engager les avions alliés sans trahir leur position par un faisceau visible. Bien que technologiquement en avance, ces systèmes n’ont eu qu’un impact limité en 1944-45, mais ils ont marqué le début de l’ère des équipements de vision nocturne et de la guerre électronique
d’après-guerre.